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Les Luiset'hau à Bahia!!
15 novembre 2011

Ils sont venus aux alagados

Petits témoignages demandés à nos amis de passage sur leurs impressions relatives à notre cher quartier!!!

Merci à Eugé et Christophe pour leur venue! Voltem sempre!!

 

PAR EUGÉ

J’etais partie au Bresil dans un but imprecis. Suivant des potes, je decouvrais le Bresil pour me changer les idees et surtout deconnecter par rapport au quotidien.

En regardant la carte et le sejour organisé par mes amis, j’ai alors remarqué que mes pas me menaient tout droit chez Loic & Bea. Il aurait été dommage de ne pas les contacter.

Apres 2 semaines de fiestas a Rio, de caipirinhas à Morro, de road-trips dans la region de Bahia, j’ai donc dit adieu a mes potes et ai posé mes bagages chez Loic & Bea pour quelques jours.


La decouverte des favellas a été une experience magique. Avoir Loic & Bea pour me faire connaitre les rues de favellas, les familles qui occupent les maisons insalubres, m’expliquer les histoires des batiments, des places, des lieux publics, la connaissance de leurs métiers ainsi que la connaissance des gens qui les entourent ont été pour moi une vraie chance. Une chance de pouvoir decouvrir le deuxieme Bresil. Loin des paillettes, des strings et du body buildings, les gamins perchés au crack a 8 ans, les travestis defilant dans les favellas, les couvre-feu et autres m’ont permis d’ouvrir les yeux sur une réalité non negligeable et un aspect fort de ce pays vraiment enrichissant.
Ces quelques jours passes dans leur quartier ont vraiment été un moment fort de mon voyage et un des souvenirs que je garderai en memoire.

 

PAR CHRISTOPHE

 Tout au bout du fond de l'invasion des marécages il y a une étendue de matière qu'on ne connaît pas...

 

Loïc et Béa m'ont demandé d'écrire en quelques mots ce que je pensais de leur quartier, après y avoir passé quelques jours.... C 'est un bel exercice! 

J'ai une vision sans doute bien idéalisée et tronquée, qui vient déjà du fait de n'y avoir passé que trois jours tout au plus et de n'avoir pas du coup eu le temps d'approfondir et de creuser un peu cette réalité... le fait de n'avoir quasiment croisé que des enfants et puis le fait encore que les rares adultes que j'ai croisé je les ai croisé en compagnie de Loïc, et peut-être là bas les gens sont plus souriants et ont l'air plus heureux quand ils parlent avec Loïc que le reste du temps, je n'en serais pas étonné... 

Bon alors... Il y a une misère qui est profonde est claire, et toutes les tentatives de mesure, tous les indicateurs, montrent bien que de toute façon on est bien au cœur de tout ce qui peut se poser comme problèmes de développement sur cette planète. La toponymie suffit à s'en convaincre : nous sommes dans le secteur de l'invasion, au fond du quartier des marécages... 

Il y a deux aspects en particulier : la pauvreté, le manque de moyens, les logements.... c'est un quartier construit à la hâte, souvent des baraques de pilotis donc de planches récupérées, dans un recoin de la baie de Salvador, au débouché de ce que Loïc appelait une rivière urbaine. Le quartier a été remblayé apparemment au bout d'un moment en utilisant les détritus de la ville et il s'est stabilisé comme ça. Aujourd'hui la plupart des maisons sont en briques. Il y a des maisons qui se tiennent, à deux ou trois étages, en dur et au mur blanchis, Loïc m'a fait entrer dans une cabane de bois ou une mère vivait avec ses six enfants dans une pièce de 20 m2... et il y a tous les intermédiaires... Je sais pas... J'ai tendance à me dire que de toute manière où qu'on aille on ne verra pas pire situation que celle de l'homme en haillons et puant, seul dans nos villes avec ses 10 euros en main et ses bouts de cartons, duquel on s'écarte instinctivement.

Le second aspect c'est la violence : on se sent pas concernés, quand on voit le quartier vivre on est loin d'imaginer... et puis boom! Le jour où je suis arrivé Loïc a assisté à un drame. Deux jours après j'ai assisté à l'arrivée de la police sur les lieux d'un drame. Encore deux jours après quand je suis reparti Loïc m'a parlé d'un autre drame encore à 50 mètres de chez eux....

Voilà donc il y a tout ça, tout ce qu'on veut en matière de manque d'hygiène, d'entassement, de violence, d'absence de services de publics... au bout d'un moment quand on pose des questions sur ce quartier en fait on connaît déjà les réponses à l'avance... 

Et puis il y a une espèce d'alchimie ou de chose étonnante qui émerge, et là c'est difficile à décrire. Il faudrait peut-être relire Dominique Lapierre pour voir comment il décrivait ça à Calcutta dans la Cité de la joie, c'est à ça en tout cas que ça m'a fait penser. 

On peut se reconstruire ce quartier dans la tête en poussant à la caricature tous nos motifs de plainte habituel ou tout ce qui est pour nous sujet d'inquiétude, et puis en les balançant tous ensemble donc dans un espace de quelques hectares. Quand on mesure tout ça de chez nous on s'attend à ce que la population qui en résulte soit, selon une loi proportionnelle, l'image caricaturée de tout ce qu'on peut imaginer de malheureux et désespéré... Et puis non alors ça n'est pas du tout ça! Voilà, c'est sans doute ça la fameuse claque à recevoir et à laquelle s'abreuver. Je pourrais essayer de la décrire mais je sais pas faire et ça a déjà été fait des millions de fois,la recevoir c'est irréductiblement différent de toutes manières.

Un foisonnement, un jaillissement, une authenticité, une spontanéité... quelque chose qu'on ne connaît pas en France et sans doute très peu en Europe, dans ses marges. Et parce qu'on ne le trouve pas ou plus chez nous et sans doute seulement pour ça je n'ose pas appeler ça vital : un souffle de vie, un élan de vie!

Il y a un son déjà qui est extraordinaire, un bruit particulier, complètement cacophone mais en même temps qui se reconnaît, dans une harmonie qui lui est propre, comme le bruit de la favela. Il faut se mettre sur le parvis de l'église, qui est construite sur une petite colline et domine tout le quartier, pour en profiter le mieux: un melting-pot improbable d'aboiements de chiens, de cris d'enfants, de sons des téléviseurs, d'annonceurs publics et puis des enceintes en tous genre dans les maisons, dans les transistors dans la rue, dans les voitures... des pétards aussi par ci par là, détonations plus ou moins louches et qu'il ne faut pas chercher à identifier... Ce quartier est d'une densité de population complètement improbable, sans doute autour de 40 000 h/km2... et on a l'impression d'entendre y vivre ou de pouvoir entendre y vivre chacune de ces 40 000 personnes par km2 depuis ce poste d'écoute sur le parvis de l'église.

Il y a ça et puis une espèce de joie au moins apparente (mais quel intérêt pour ces gens-là à la simuler?) qui se reflète au moins sur le visage des enfants et leur engagement et leur présence dans ce qu'ils font.... et puis la convivialité des adultes aussi qu'on voit bien, des gens entre eux quand on se promène dans la rue, et puis comme j'ai mis plus haut quand on les rencontre avec Loïc. On connait un peu ça peut-être dans les pays méditerranéens ou les quartiers très populaires de nos pays, mais en moins intense...

Je pense les images rapportées par Loïc et Béa en disent quelque chose. Ensuite ça vaut le coup d'aller voir tout simplement et de sentir cette manière de vivre dans ce dénument et cette pauvreté subis, peut-être acceptés même, avec toutes les ambiguïtés que ça implique. Si ça n'est pas la vie au moins ça en fait partie et ça nous concerne donc pour ça!

Voilà, tout au bout du fond de l'invasion des marécages il y a une étendue de matière qu'on ne connaît pas (j'ai envoyé un caillou dedans pour en éprouver la consistance, la matière inconnue a absorbé le caillou – c'est dans Tolkien pour le coup peut-être qu'on trouverait des descriptions de cette matière inconnue, elle apparaît aussi dans un épisode de StarWars je ne sais plus lequel... bref!). Et puis au-delà de la matière inconnue il y a ce recoin de la baie et donc le regard s'ouvre et la favela sort des ruelles minuscules et s'étale pour devenir paysage : elle recouvre tout, descend des collines et les gravit, s'étend au loin par plans successifs avec sa rougeoyance jusqu'à l'horizon. On entend toujours le bruit de favela, erratique, tout en relief, on est plongé dedans. De l'invasion juste derrière nous et puis quand le son de l'invasion laisse des percées aléatoires on l'entend qui s'étend à perte de vue, toujours le même bruit, renvoyé par chacun des morros, remplissant tout l'espace. On entend vivre alors des centaines de milliers de personnes à la fois!

Ce paysage à cet endroit je me suis surpris à le contempler, je me suis fait le reproche de l'admirer, de le trouver beau tout simplement, d'oublier par un regard trop spontané que j'étais à ce moment au cœur du problème du monde,  tout au bout du fond de l'invasion des marécages, que la digue juste devant moi était molle et instable et qu'elle avait la couleur bleue des sacs poubelles, que jamais la matière inconnue n'aurait dû sortir de la littérature de science fiction, que la rivière urbaine était une arrivée d'égouts puante. Je me suis fait violence pour regarder ce paysage comme quelque chose qui ne devrait pas être, qui devait disparaître de l'humanité!

Voilà, un regard complètement partiel et idéalisé et naïf, pas du tout fouillé et éprouvé je le sais bien... Mais bon, c'est le regard que j'ai eu sur le coup et j'ai préféré ici tenter de le livrer qu'essayer de le reconstruire plus conforme à notre logique ou à ce que j'aurais dû voir.

Je conseille sans retenue en tout cas d'aller faire un tour par là-bas et d'y profiter de la présence de Loïc et de Béa, mais aussi de Rafa qui développe un sens de l'hospitalité hautement efficace!

 

 

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Commentaires
M
wahouah! j'ai lu ce témoignage en prenant mon ptit déj ce matin, j'ai vraiment l'impression d'avoir passé un ptit moment à Salvador...<br /> bisou à vous 3! <br /> manue w
C
ça rappelle des souvenirs !!
B
Merci pour ce bout de vécu Christophe...
Les Luiset'hau à Bahia!!
  • Après nos premières années de vie professionnelle, un an de mariage, et l’arrivée de Raphaël nous avons décidé de partir en coopération 2 ans au Brésil avec FIDESCO! Ce blog a pour vocation de partager notre quotidien.
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